par tonnerre de brest sur 11 Fev 2005 8:03
Je continue mon résumé [u]commenté[/u] de ces deux premiers épisodes, en vous racontant la suite, pour ceux qui auraient loupé.
L'épisode commence avec une scène spectaculairement bien faite.
John insiste pour passer au détecteur de mensonge. Grave erreur si on y songe, mais l'effet visuel et dramatique vaut bien le prétexte. Celui qui mène l'opération lui enfile un manomètre autour du bras. Inexorablement, John se voit soudain dans la peau des malfrats qui sont passés avant lui sur la machine: suivent de surprenants morphing et une discussion totalement décousue avec le responsable, où tous les prédécesseurs de John répondent en même temps que lui. L'aiguille trace une ligne folle qui se recoupe, comme les identités qu'endossent le medium. Pris de spasme, il doit arrêter l'expérience, sous l'injonction du shérif Walt Bannerman.
- Le prégénérique ne se contente pas de nous livrer une excellente mise en scène des visions de John, mais il nous rappelle aussi qu'à l'instar du roman, John vit la situation de ceux qu'ils touchent ou dont il a des visions, ce qui entraîne dans les deux versions une situation stressante de prise de possession.
Générique...
Sarah, fidèle entre tous, vient voir John en prison: il exige d'elle de ne plus approcher Stillson, et devant toutes les conjectures qui l'accablent, explique qu'il ne peut s'en sortir que par une résolution de l'énigme: chose dont il est seul capable, à condition que Sarah puisse convaincre Rebecca Caldwell d'apporter des objets appartenant à sa soeur Rachel. Mission difficile: Rebecca le considère comme coupable.
La police fouille sa maison en la mettant à sac. Purdy s'en offusque devant Bannerman qui doit bien respecter la procédure. Arrive Bruce, pris à parti par le shérif pour qu'il lui explique la signification des tableaux explicatifs de John, et son intérêt pour le nucléaire. Bruce ment en disant ne rien comprendre. Ironie: Walt se doit de prévenir Stillson qu'un présumé meurtrier s'intéresse à lui. Purdy est effaré par ce qu'il y a sur ce tableau.
- Le tableau explicatif est une sorte de mise en abyme de l'aspect puzzle de la mythologie Stillson, bardé de points d'interrogation: l'apocalypse sera-t-elle due à une erreur, une guerre ? Quelle est la place de John sur cette ligne temporelle qu'il a tracé ? Ses déductions logiques indiquent combien le déroulement des choses va être complexe. Purdy, homme de foi, semble comprendre l'importance de ce travail.
Sarah se rend au domicile de Rebecca prendre la défense de John mais Rebecca pense que les visions de John sont des confessions. Sarah, très remontée, lui fait comprendre qu'il peut l'aider sans qu'elle ne se sente obligée de le croire innocent.
- Première rencontre Sarah/Rebecca, qui prend la tournure d'un affrontement feutré. Premier signe d'une rivalité future ?
Purdy amène des gâteaux à John en taule. John lui demande pourquoi il vient réellement.... Purdy lui explique son sentiment malaisé devant les tableaux, et les doutes qu'il entretient envers Stillson, en se gardant bien de dire que Stillson veut le racketter via la fondation John Smith. John lui refuse de dire ce qu'il sait, mais assure que lui seul peut empêcher l'irréparable, que Purdy doit l'aider à sortir.
Et il rajoute que Purdy tourne trop dans la sphère Stillson. Silence qui fâche...
-Dans le roman, le film et la série, John refuse systématiquement de dire ce qu'il sait sur Stillson, et sa folie. Le medium garde tout pour lui, sachant que l'énormité de la fin du monde sera refusée, même par ses plus proches amis. Seule changement dans la série: Bruce, lui, sait. Ce qui augmente l'importance du rôle du kiné, dans cette relation amicale quasi-unique.
A part lui, cette solitude du medium est source de pression et d'autodestruction.
A son QG, Stillson étudie les estimation des votes pour le fauteuil du Maine au congrès: il talonne ses concurrents. La TV enchaîne sur John, suspect dans la disparition de la documentariste de Stillson. Stillson tient dans ses mains les photos des fameux tableaux explicatifs. Habile, il envoie Elliman les donner aux media, sans en dire la source: Stillson ne voudrait pas qu'on pense qu'il achève John.
Sarah règle ses comptes avec Walt en lui expliquant qu'elle a convaincu Rebecca de voir John. Walt lui demande de se tenir éloigné de cette affaire, ce qui est inconcevable pour la jeune femme. Walt, décontenancé, ne lui cache plus son embarras depuis le réveil de John qui met leurs relations en danger. Sarah assure qu'ils surpasseront cette épreuve. Walt ne semble plus y croire. "Leur" fils les écoute, caché.
- Seconde confrontation pour Sarah, avec son mari cette fois. Seule contre tous. Désormais tous les personnages connaissent un tiraillement sentimental.
Rebecca Caldwell rend visite à John en taule: elle lui présente un stylo que John touche, voyant aussitôt son possesseur être, ou avoir été frappé. Elle crie à la supercherie: elle vient d'acheter le stylo dans un magazin: sa soeur Rachel ne l'a jamais touché ! Mais si c'est elle alors ? Elle ne veut plus rien entendre, mais John frôle un autre objet et voit Rachel devant une table de montage se faire frapper et chuter: elle a des yeux ce couleur différents. Nouvelle preuve de supercherie pour Rebecca: sa soeur a des yeux identiques. Elle plante le medium passablement perplexe.
Au Qg de Stillson, Sarah distribue l'affiche que John a vu dans le futur, portant disparue Rachel. Stillson lui déclare savoir qu'elle est allé voir john, qu'il a des informateurs partout, et que Walt aussi est dans la balance de l'élection.
-Il ne faut pas oublier qux U.S.A., plusieurs scrutins ont lieu en même temps. Walt mise sa place de shérif.
Ce passage renvoie avec éloquence à la description de Stillson dans le livre et le film: quelqu'un qui place des personnes d'influence partout, qui achète quand il ne menace pas, et qui a une armée d'espions dont Elliman est le dirigeant, selon un système organisationnel fascisant. Sauf que c'est le film qui place Sarah au coeur de sa campagne, jusqu'au bout.
Rebecca fouille le bureau que John aurait vu, à l'affût d'un indice. Et trouve une lentille de contact: celle qui cachait la différence de couleur des yeux. Troublée par les propos qu'a tenus John sur ses relations avec Rachel, qu'elle seule connaissait, elle lui ramène à contre-coeur l'objet. C'est un sursaut d'espoir pour John, qui prend la lentille.
- Superbe mise en scène, qu'il faut commenter ! John est d'abord vu au travers de la lentille que lui tend Rebecca. Il est filmé en train de la toucher vu de l'intérieur de la lentille qui s'anamorphose aussitôt avec l'oeil de Rachel devant sa table de montage (en fait un ordinateur). Il est à côté d'elle, et regarde les rushes sur l'écran où Stillson discoure auprès de Purdy.
La vision passe par trois regards, la lentille qui regarde john, john qui voit par la lentille, john et Rachel qui regardent l'écran. Cette continuité anatomique de la lentille donne un effet de passage de relais, de transmigration du regard pour aboutir à un troisième élément qui a été vu par le biais d'une lentille... optique: les images videos.
Ce moment de bravoure reste dans la cohérence de la mise en scène générale, toujours passant de relais en relais visuels.
Il était bien avec Rachel. Toutes ses images sont là, dans le disque, les autres ayant été cambriolées. Le courant saute. John va vérifier les fusibles. Rachel croit l'entendre revenir et ouvre le bureau: quelqu'un la frappe avec une lampe torche. Rachel chute, perdant sa lentille de contact. Revenu à la réalité, devant une Rebecca accusatrice, il propose qu'on l'emmenène sur les lieux: on y trouvera les preuves contre lui. Qui manipule qui ?
A l'alliance, le gérant dévoyé par Stillson, Kennedy, explique à Purdy à quel point ils sont endettés, et que le million nécessaire à la défense de John doit aller directement à Stillson. Sinon, il n'aura qu'à révéler les malversations de Purdy qui mérite son châtiment. Et il retourne prier...
Dans le bureau de Rachel, John fait observer à Walt, au procureur et Rebecca que le disque dur a été arraché, ce que confirme le shérif. De vision en vision (cf la scène des bois du 1er épisode), il suit l'enlèvement de Rachel. Dans un acte désespéré, Rachel s'est aggripé à une porte où elle a laissé un ongle. John l'indique, mais se voit interdit de le toucher: pièce a conviction. Il n'en a cure et le saisit: il voit une main dans la boue près d'un panneau marqué de l'inscriptio, N-O, U-N-G-B-C, O-R-N-A-N-B-C. Devant Rebecca effondrée, il confirme que Rachel a été tuée, mais nie son implication. Il a pu au moins trouvé une piste.
Stillson se félicite des retombées bénéfiques de l'affaire Caldwell dont il "soutient" la recherche. La marge d'erreur et les machines faillibles pourraient bien le faire gagner. Kennedy l'appelle à ce moment.
Bruce ramène des cartes topographiques à john en prison. Il apprend, effrayé, que Sarah travaille encore avec Stillson, dans l'espoir de trouver un indice.
Il étudie les cartes, entourés des présences de ceux qui fréquentèrent sa cellule. C'est rationnellement, sans vision, par recoupement, qu'il localise un lieu appelé "Blackhorn Ranch".
Il demande à faire venir Walt et le procureur sur les lieux. Rebecca vient aussi.
- Tout est alors en montage alterné, donnant l'impression d'une chute ténébreuse pour John et d'une ascension radieuse pour Stillson.
Au bureau de vote, Stillson fait semblant de découvrir la fameuse machine moderne de vote.
A l'Alliance, deux jeunes filles sortent et voient Kennedy dans sa voiture, une balle dans la tête avec la vitre brisée à coté de lui.
A ce qu'il reste du "Blackhorn Ranch" John cherche.
A la sortie de l'Alliance, la police affirme à Purdy que Kennedy s'est suicidé. Purdy conserve son mutisme.
Au Q.G de Stillson, Sarah fouille une pièce pleine de dossiers, tandis que Bruce qui va à sa rencontre, tente de l'appeler sur portable.
Stillson la surprend.
Au Blackhorn Ranch, John trouve la pancarte de sa vision.
Au Q.G, Sarah affirme classer des affaires devant un Stillson qui loue son travail dans la campagne.
Au Blackhorn Ranch, John, découvre le corps de Rachel.
Arrivé au Q.G, Bruce se trouve confronté à Elliman.
Stillson compare Rachel à Sarah, qui est une femme mûre, menaçant, perdant son contrôle, très proche de son visage.
Elliman frappe Bruce devant son insistance à vouloir entrer dans la QG. Stillson murmure à Sarah que Walt et John sont chanceux de l'aimer. Pourquoi ne l'accompagnerait-elle pas sur le sentier de sa réussite ?
Bruce prend le dessus sur Elliman.
Sarah l'entend l'appeler et l'appelle à son tour. Elle laisse Stillson là.
Au Blackhorn Ranch, John appelle Walt, le procureur. Rebecca voit la main sortir de la boue et s'effondre en sanglots.
Les résultats donnent Stillson gagnant pour d'1%.
Le procureur accuse John de meurtre au premier degré. Seul le tueur pouvait savoir où se trouvait le corps. Walt rappelle que c'est ainsi que John a aidé à résoudre des crimes. Rien n'y fait.
Stillson exulte à la tribune.
- Arrêtons-nous sur son discours:"...L'honnêteté, l'intelligence, l'entêtement maladif pour que les valeurs ancestrales auxquelles nous tenons restent présentes et inchangées, la capacité à savoir déterminer ce qui est bien, et ce qui est mal [...]. si le reste du pays était comme notre Maine, ce serait vraiment le plus grand des pays !".
Quand il vante l'entêtement maladif de la communauté à défendre ses valeurs, c'est de sa propre maladie dont il parle: son ambition folle au sens clinique du terme. La capacité de choix présente qu'il devra un jour se déterminer sur des enjeux d'envergure: ceux qui vaudront la guerre, dû à la très haute estime qu'il fait de son jugement. Et il affirme bien vouloir conquérir le pays. Si le Maine l'a élu, l'Amérique peut le faire.
Ce discours populiste (populisme version dangereux) est plus soft que les rodomontades du Stillson du livre et du film mais colle à la capacité de fascination des foules de Greg Stillson grâce à des discours simplistes et finement manipulateurs.
En cela, la série réussit la transposition du personnage.
En prison, les grilles s'ouvrent pour John. Walt, le procureur et Purdy lui montrent une lettre de Kennedy, avouant le meurtre de Rachel. Elle avait effectivement travaillé pour eux, et Kennedy se serait entiché d'elle, jusqu'à l'obsession. Rachel aurait découvert qu'il détournait les fonds de l'Alliance. Ces aveux et le soutien de Purdy garant pour lui permettent à John de sortir, et d'être innocenté.
Trop facile...
John touche la lettre en même temps que Purdy, et a une vision qui n'est pas montré.
-Pour cela, un simple champ-contrechamp suffit: mais quelle densité dans les regards. En silence, l'image montre que tout est truqué. Très bien fait.
John s'inquiète des élections: Purdy assez content, lui annonce la victoire de Stillson.
Enfin libre, John peut embrasser Sarah, sous le regard gêné de Walt, que Sarah tente de rassurer. Il doit repartir travailler.
Le soir. John se prépare enfin un vrai repas, quand Rebecca vient sonner. Elle a appris pour Kennedy, et le remercie d'avoir retrouvé le corps de Rachel. Elle commence à pleurer: John la prend dans ses bras.
Au Q.G de campagne, Stillson et Purdy se "désolent" de ce qui est arrivé à Kennedy. Purdy donne une enveloppe à Stillson: "Tout est là ?" demande le politicien. Purdy répond oui. Stillson lui donne une tape amicale. Sans doute l'enveloppe contient-elle le million...
- La série prend définitivement sa propre voie. Dans le livre et le film, Stillson n'a pas le temps d'être élu au congrès, puisque John attente à sa vie. La rupture est ici d'importance.
L'hypothèse de John décidant de l'assassiner reste cependant entièrement valable, élu ou pas.
Mais l'image de Stillson n'hésitant à rien pour parvenir à ses fins reste très fidèle. Bien sûr, si Purdy a été inventé pour la série, il n'en reste pas moins que dans le roman Stillson laisse quelques "suicidés" sur son parcours. La question est ici de savoir qui a "suicidé" Kennedy, et qui a tué Rachel. Mais l'Alliance semble bien porter son nom, puisque c'est une complicité objective qui réunit les deux hommes.
Autre rupture : Sarah ne peut plus faire confiance à un homme dont elle a vu les capacités dangereuses.
Au niveau du récit, le téléspectateur est pris en otage par John dont la vision finale n'est pas révélée, tout comme il se refuse de parler de Stillson à son entourage, mis à part Bruce. Des éléments sont donc posés, mais un mystère d'importance est maintenu.
L'autre mythologie inhérente à cette histoire, à savoir la relation Sarah/John, prend une ampleur plus complexe avec l'entrée en scène de Rebecca. Aucune solution satisfaisante semble vouloir se dégager, car ce qui bouleverse la vie de John, malgré Rebecca, c'est la séparation d'avec Sarah.
Pour finir, le récit renouvelle largement le traitement des visions, multipliant le jeu de poupées russes, dans le présent ou dans les rapports avec le futur post-apocalypse qui pose encore bien des questions (qui poursuit Wey et pourquoi ?). La technique du temps gelé est moins utilisée, et les performances visuelles se complexifient sans arrêt. Pas par volonté d'en jeter plein les yeux, mais parce que les visions deviennent aussi un problème complexe à résoudre pour John, puisqu'elles le mettent en danger.
Sur ces fondations et ces béances, la série va pouvoir suivre son cours.
L'agent Squeulit pensait qu'il s'agissait en fait d'une pierre de forme triangulaire