Mercredi dernier est sorti dans nos salles le film "Hidalgo", proposant à son affiche Viggo 'Aragorn' Mortensen et Omar Sharif. L'histoire :
[i]Chaque année, depuis des siècles, se déroule l'Océan de Feu, une course de survie de 5 000 km à travers le désert arabe. En 1890, pour la première fois de l'histoire, un cheikh richissime invite un Américain et son cheval, Hidalgo, à participer à la course.
Frank T. Hopkins, cow-boy et messager de la cavalerie américaine, est considéré comme le plus grand cavalier que n'ait jamais connu l'Ouest américain. Le cheikh désire opposer le cow-boy et son mustang aux plus grands chevaux arabes et aux meilleurs cavaliers bédouins. Certains parmi eux sont bien décidés à empêcher l'étranger de finir la course...
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Vous avez vu "The Last Samurai" ? Parce que si c'est le cas, alors vous avez vu "Hidalgo". Incroyable en effet à quel point ces deux films se ressemblent. L'histoire est quasiment la même : dans la 2e moitié du XIXe siècle, un Américain roulant pour l'armée assiste effaré à un massacre d'indiens perpétré par celle-ci. Détruit par cette tragédie, intérieurement ravagé, se sentant coupable, complice d'une tuerie sans nom, il se réfugie dans l'alcool, participant même, par dépit, à un show reconstituant (de manière très tendancieuse) les grandioses victoires de l'Oncle Sam sur ces méchants peaux-rouges. Tous deux vont même saboter un de ces spectacles du fait d'un état éthylique avancé, dégouté par tant d'hypocrisie. C'est après un de ces shows que l'émissaire d'un pays lointain (ici le Japon, là l'Arabie) lui propose de s'embarquer vers son pays afin de relever un challenge. Et la suite est similaire, car, s'il est question de guerre et de fin des samurais dans "The Last Samurai", tandis que "Hidalgo" traite quant à lui de course de chevaux à travers le désert de la péninsule arabique, tous deux se présenteront ultimement comme une épreuve de rédemption pour son héros, qui pourra ainsi faire le deuil de ses démons intérieurs et se définir grâce à des valeurs issus d'une culture noble et sage (ici le bushido des samurais, là la culture indienne).
Et "The Last Samurai" et "Hidalgo" ne varieront finalement que dans les diverses péripéties qui ponctuent nécessairement un film hollywoodien. Et c'est là finalement que les deux films se ressemblent le plus, paradoxalement : bien que tous deux soient dotés d'une histoire ouvrant des voies prometteuses, à la découverte de civilisations méconnues et menacées d'extinction, alors que tous deux proposent des parallèles intéressants entre les Indiens d'Amériques et les samurais ou les Arabes, alors que tous deux dénoncent la marche d'un progrès écrasant des civilisations entières sur son passage et ne laissant que sang et désolation derrière lui, malgré ces éléments historiques et culturels passionnants, ces deux films ne sont ultimement que des péripéties hollywoodiennes, plutôt bien mis en image mais désespérement superficiels. Les facilités sont nombreuses, la description historique parfois schématique, la caractérisation des personnages sommaires, le tout ressortant comme irrémédiablement académique. De belles images, de beaux sentiments, des héros qui serrent les dents, et beaucoup d'action. Et au final, deux films plutôt honnêtes selon les critères hollywoodiens, mais qui passent à côté d'une histoire qui aurait pu être autrement plus intéressante.
S'inspirant largement de "Lawrence d'Arabie" et d'Indiana Jones, "Hidalgo" va donc nous proposer de magnifiques images du désert arabe, de Mortensen (aussi bon que dans "Le Seigneur des Anneaux") chevauchant péniblement à travers dunes et caillasses, assoiffé, écrasé de chaleur, affrontant les multiples dangers posés par la nature et les hommes, pour finalement remporter avec panache la fameuse course. Et, à chaque fois que le scénario présentera des vélléités sauvages, à chaque fois que le scénario rue dans les brancards et menace de partir chevaucher sauvagement vers une histoire digne de ce nom, celui-ci se verra systématiquement maîtrisé par son scénariste de cavalier, ce dernier lui serrant la bride et s'assurant que le film reste sagement sur le sentier balisé préparé pour lui. A son arrivée en Arabie, Mortensen découvre la traite des esclaves ayant tjrs cours sous ces latitudes, mais, après quelques images chocs, plus rien. Plus important dans le film, la condition des femmes, prisonnière d'un système inique les plaçant sous la tutelle de leur père, les promettant àun mariage forcé, les forçant à se dissimuler sous un voile et à respecter un code de conduite étouffant, si elle est rapidement abordée, se verra elle-aussi reléguée à un simple élément de décor scénaristique. Et c'en est presque comique : alors même que le film pointe du doigt la situation des femmes dans un système archaïque, lui-même va rallier la cause du machisme, occidental cette fois, et faire de la femme la belle princesse que le preux chevalier doit délivrer des griffes des méchants sur son beau destrier. La pauvrette, elle qui se croit délivrée des traditions de sa culture pour être sauvée par le progressisme légendaire de l'Occident, la voilà à nouveau prisonnière, cette fois d'une autre forme de conservatisme, faisant d'elle une ingénue tout juste bonne à faire les yeux doux au héros. Et, cerise sur le gâteau, une fois la course remportée, le film n'aura finalement pas le courage de ses beaux idéaux et laissera la belle se débrouiller avec sa culture, tjrs promise à un mariage dont elle ne veut pas. A quoi aura t-elle servi ? A faire du héros un héros, tiens.
Mais la scène la plus parlante : en plein désert, les carottes semblent cuites sous le soleil infernal du désert, Mortensen est au bout du rouleau, son cheval, le fier Hidalgo du titre, agonise, Mortensen charge son révolver et s'apprête à échever son fidèle compagnon. Pas d'échappatoire. Pas d'échappatoire ? Pensez-donc : Mortensen va avoir une visoin, va voir ses amis les indiens lui apparaître et entamer la danse des esprits devant lui et, grâce à une incantation mystique, la situation va se renverser, Hidalgo se relève miraculeusement et va galoper vers la victoire. Scène importante car Mortensen, à moitié indien, s'est tjrs refusé à assumer son héritage, faisant semblant d'être un Occidental pur sucre. Mais la mort imminente de son ami le pousse à enfin faire appel à ses ancêtres, et par là assumer son identité. Et, une fois franchie la ligne d'arrivée, Mortensen sera acclamé par la populace tandis qu'il brandira fièrement l'étendard de son peuple, de la nation indienne. Ce n'est pas la course qu'a remporté Mortensen, c'est la fierté d'être indien qu'il a décroché. C'est beau, mais c'est un peu facile, cette scène mystique ressemble trop à un deus ex machina, là où le film aurait dû continuellement et progressivement traiter de la lente marche de Mortensen vers la reconnaissane de ses racines, une scène suffit finalement à tout faire rentrer dans l'ordre. C'est hollywood, quoi.
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Mais si l'on ne fait pas la fine bouche, c'est un joli message que véhicule le film : celui que l'on a pas besoin d'être un pur sang pour être fier de soi et faire de grandes choses dans la vie. Les Arabes se montrent méprisants à l'égard du cheval de Mortensen, qui n'est pas un pur sang; pourtant le cheval démontrera qu'il n'a pas besoin d'être un 'pur' pour avoir du courage. Et Mortensen aussi le démontrera, comprenant finalement que les croisements, on peut, on doit en être fier. Voilà sans doute ce que l'on attend d'un bon film hollywoodien : de jolis plans, un beau et valeureux héros, des aventures grandioses, et un message optimiste et humaniste. De ce point de vue là, "Hidalgo" est très réussi. Et je ne serai pas celui qui crache sur une aussi belle conclusion !! :wink:
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[i]Viggo, c'est ma graaaaaaande passion[/i]