par Amrith Zêta sur 10 Mai 2009 3:08
Interview du réalisateur [b]Masahiro Ando[/b] effectuée par Tetho de [b]MATA-Web[/b].
Je l'emprunte sans permission mais dans un souci de communication.
[b]MATA-Web : La production d’un film d’animation original est quelque chose d’ambitieux. A cela s’ajoute le fait que le film est d’un très haut niveau technique et artistique. Comment s’est passé la production vis à vis de cela et quelles ont été les relations entre vous et les producteurs ? [/b]
Masahiro Ando : Entre le producteur, Masahiko Minami, et moi-même il y avait une vraie confiance. Bien évidemment je travaillais en tant que réalisateur et lui en tant que producteur, et même si nous œuvrions sur le même film, nos taches étaient bien distinctes. Mais on ne peut pas faire un tel film sans de l’ambition de la part du producteur, comme c’est un projet difficile pour les raisons que vous avez exposées il faut vraiment en vouloir pour réaliser ce film. Lorsque j’ai proposé au producteur de réaliser un film d’époque en animation il a tout de suite été intéressé par le projet. Sans son envie de réaliser ce film difficile, le projet n’aurait pas abouti. Cela fait maintenant 20 ans que je travaille dans l’animation, et je ne vois au Japon aucune société capable de réaliser ce genre de film de sabre en animation. Pour moi c’est vraiment un miracle que ce projet ait abouti à un vrai film cinémas et qu’il soit montré à l’étranger, dont en France.
[b]MW : Combien de temps a pris la production et comment s’est elle déroulée ? [/b]
MA : Pour parler purement de la création du film, entre un et deux ans. Mais le projet est né en 2003, il y a 6 ans, quand nous avons réalisé un pilote d’une minute pour trouver des investisseurs. Pendant un à deux ans le producteur est parti à la recherche d’investisseurs pendant que moi j’avançais dans l’écriture du scénario avec le scénariste, Fumihiko Takayama. Vers 2005 ou 2006 nous avons vraiment commencé le travail et j’ai commencé à dessiner le story-board, nous avons rassemblés les meilleurs animateurs du Japon pour réaliser le film.
[b]MW : Quelle a été la partie la plus difficile du projet pour vous, aussi bien sur le plan de la réalisation que celui de l'investissement humain ? [/b]
MA : Ce qui a été difficile sur le plan du film c’est que c’est un film d’une heure trente qui n’adapte pas d’œuvre existante, ce qui signifie que les spectateurs n’ont aucune connaissance de l’histoire avant de voir le film mais il faut tout montrer dans la durée de 90 à 100 minutes. Faire un film satisfaisant pour les spectateurs était difficile parce qu’il fallait effectuer une construction qui permette au spectateur de tout comprendre. Une autre difficulté, mais cette fois-ci en tant que réalisateur, c’était que c’était la première fois que je réalisais un long métrage. Avant j’étais animateur, et un animateur est quelqu’un qui s’exprime à travers des images, alors qu’en tant que réalisateur je dois exprimer mon intention à travers des mots et non des images. J’ai dû ainsi faire comprendre à chaque équipe mes consigne de direction. C’est bien sûr cela le travail du réalisateur, mais pour moi qui a longtemps travaillé en dessinant ça été très difficile de m’exprimer avec des mots.
[b]MW : Quelles ont été les idées qui ont guidées la réalisation des séquences de combat ? [/b]
MA : Ça fait quelques temps que dans les films américains il y a majoritairement des séquences d’action nécessitant des effets spéciaux numériques. Mais beaucoup de ces films sont réalisés sans prendre en compte la psychologie des spectateurs, ils essayent tout pour rendre leurs scènes les plus spectaculaires possibles alors que les spectateurs ne peuvent pas s’identifier aux personnages. Je voulais faire des scènes d’action qui peuvent donner une certaine émotion au spectateur, si on n'arrive pas à les exciter ils ne peuvent pas êtres émus par ces scènes. C’est pour ça que je ne voulais pas réaliser un film d’action totalement spectaculaire, mais je voulais que ce soit dramatique.
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[b]MW : Le combat final rappelle beaucoup celui du film de [i]Cowboy Bebop[/i]. Est-ce une coïncidence ou le revendiquez-vous ? [/b]
MA : Vous avez tout à fait raison au sujet de cette ressemblance puisque l’équipe principale de ce film avait travaillé sur celui de [i]Cowboy Bebop[/i], donc même si cette fois je suis le réalisateur il y a une certaine part de [i]Cowboy Bebop[/i] qui reste dans mon film. [i]Sword of the Stranger[/i] a aussi été réalisé pour les 10 ans de BONES, et il y avait une volonté de faire un film de transition entre deux générations : celle qui a travaillé sur [i]Cowboy Bebop[/i] et la suivante qui va créer d’autres œuvres.
[b]MW : Un soin particulier a été porté au superbes décors du film, pouvez vous nous en parler ?[/b]
MA : En ce qui concerne les décors j’ai demandé à l’équipe de faire à la fois dans du style réaliste, mais aussi dans le style des peintures chinoises à l’encre. Pour les décors qui sont au premier plan j’ai demandé le style réaliste alors que pour les arrières plans j’ai demandé à ce que ce soit à l’encre de Chine. De plus l’histoire se déroule en automne-hiver, et il n’y a pas énormément de couleurs dans ces saisons. Je voulais que ce ne soit pas que du noir et blanc, mais pas non plus très coloré, il a donc fallu trouver un juste milieu. Toutes mes demandes étaient évidemment difficiles. Au lieu de diminuer le nombre de couleurs différentes, nous avons gardé les variations tout en atténuant les couleurs. J’ai aussi demandé à l’équipe des décors de, bien que ce soit des paysages japonais, prendre en référence des paysages européens.
[b]MW : Un des thèmes du film est l'étranger au Japon qui cache sa nature d’étranger, y a t'il un sens particulier ? Faut il faire des rapprochement avec des fait historiques ? [/b]
MA : Le Japon est un pays insulaire et comme à cette époque le pays était fermé, il y avait peu d’étrangers. Alors si le personnage de Sans-Nom est obligé de cacher son origine, c’est à cause de l’époque. En même temps je montre un autre personnage, Luo-Lang, qui vit en Chine mais est bien un étranger vu qu’il est blond et a des yeux bleus. Je voulais montrer le contraste de ces deux personnages bien différents, l’un qui cache son coté étranger au Japon et l’autre qui vit en montrant son coté étranger en Chine.
[b]MW : Pourquoi avoir fait de Luo-Lang un guerrier chinois d’origines occidentales ? Son histoire a-t-elle été pensée lors de la création du personnage ? [/b]
MA : Nous tenions au fait que les deux personnages principaux soit étrangers parce que d’abord on voit rarement des étrangers dans des films de ce genre, c’était un nouveau défi pour moi. Donc évidemment le film devait être de qualité, mais aussi avoir de nouveaux éléments jamais montré dans ce cinéma. L’histoire se déroule au Japon au Moyen-Age, c’est un film de sabre, mais les deux personnages qui se combattent sont étrangers, visuellement pour moi c’était attractif.
[b]MW : Un des thème du film est que l’ambition ne mène qu’à la perte. A quoi pensiez vous en décidant cela ? [/b]
MA : Lors d’un combat il faut se demander pourquoi ces gens se battent. Est-ce pour assouvir un désir ? Est-ce au nom d’une ambition ? Pour protéger leur famille ? Il y a toutes les raisons possibles à cela. Mais je voulais montrer des personnages qui se combattent pour une raison pure, sans ambition ni désire derrière, car je trouve cela très beau et ça me fait rêver. A la fin du film deux hommes se combattent ni pour un camp ni pour un pays, ils se battent pour eux-mêmes, c’est le combat qui compte. C’est peut-être incompréhensible pour le public féminin, mais au cœur de ce combat, même si ils sont rivaux, il se dégage une sorte d’amitié entre ces combattants. C’est très masculin, très viril, mais je trouve ça très beau.
[b]MW : Comment avez-vous accueilli la nouvelle d’une sortie ciné en France ? [/b]
MA : Quand j’ai appris que le film allait sortir en France cela m’a bien sûr fait très plaisir. Un fois le film terminé le réalisateur n’a plus rien à faire, à part espérer que le plus de monde possible aille le voir, car après tout le public reste ce qui est le plus important pour un film. Je savais que la France est un pays où le cinéma a une vraie place et où il est reconnu et donc où mon film ne serait pas vu comme un film d’animation mais comme une œuvre cinématographique et pour un cinéaste c’est très flatteur.
[b]MW : Le film sort le même semestre que [i]Evangelion 1.0[/i] et [i]Ponyo sur la Falaise[/i], n’avez-vous pas peur de la concurrence de ces deux monstres sacrés que sont Anno et Miyazaki ? [/b]
MA : C’est un défi, n’est-ce pas ? Et justement le défi est le thème de mon film. Donc je suis bien content d’avoir en face de moi ces deux films et je suis assez confiant dans le fait que je peux battre ces deux films. Regardez [i]Sword of the Stranger[/i] pour le constater, je me suis donné à fond pour réaliser ce film d’animation d’action, ce qui n’a pas été facile et ne le sera jamais. J’ai fait ce film parce que je voulais justement voir ce genre de film. Bien sûr il y en a qui ne l’aimeront pas et ça ne me dérange pas, je peux tout à fait accepter les opinions positives ou négatives, peu importe, mais c’est un film qu’il faut voir sur grand écran.
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[b]MW : Vous allez réaliser [i]CANAAN[/i], adaptation d’un scénario bonus du jeu [i]428[/i] de SEGA, pourquoi se focaliser juste sur cette partie ? [/b]
MA : Pour commencer, quand on m’a proposé de réaliser la série on m’a demandé de me focaliser sur ce scénario bonus. Puis j’ai fait tout le jeu et il y a des cotés très séduisants dans [i]428[/i]. Et dans cette partie bonus il y a des personnages qui peuvent être vraiment très intéressants si on les mettait en scène dans un anime, c’est pour cela que j’ai accepté la proposition, parce que l’idée m’a semblé pas mal. Le film [i]Sword of the Stranger[/i] est une histoire très masculine et virile qui montre la manière de vivre des hommes. [i]CANAAN[/i] c’est une histoire avec deux héroïnes, ce qui permet, selon moi, de montrer le coté très complexe des femmes. C’est donc avec cela en tête que j’ai accepté la proposition de faire cette série TV.
[b]MW : Comment s’est passé la collaboration avec Takashi Takeuchi de Type-Moon ? [/b]
MA : Mr. Takeuchi est le créateur des personnages et Type-Moon a écrit l’histoire. Il me font entièrement confiance pour ce qui s’agit de l’adaptation animée car Mr. Takeuchi est un fan du film [i]Sword of the Stranger[/i] et après avoir vu les séquences d’action il a voulu me laisser une liberté totale dans la travail sur [i]CANAAN[/i].
[b]MW : BONES est un studio qui se fait remarquer depuis quelques années notamment pour les qualités techniques indéniables de ses production, même série TV. Comment ce choix de la qualité se traduit il dans les méthodes de travail du studio ? [/b]
MA : Je pense que chez BONES les chefs de chaque section sont de vrais professionnels qui tiennent beaucoup à leurs travaux. Normalement c’est le réalisateur qui valide les plans des dessins animés, mais lorsque j’avais envie d’en valider ils n’ont pas voulu parce que ils voulaient encore corriger en disant que ce n’était pas encore satisfaisant. Cela montre à quel point ils sont attachés à leurs travaux. Quand il y a eut le projet de faire [i]Sword of the Stranger[/i], je me suis dit qu’avec BONES ce serait un film intéressant.
[b]MW : Allez vous profiter de votre passage sur Paris pour faire un peu de tourisme, par exemple visiter un musée comme Le Louvre ou Orsay ? [/b]
MA : J’aimerais, mais mon séjour n’est pas très long à cause de mon travail sur [i]CANAAN[/i]. Peut-être pour une autre visite.
[b]MW : Merci beaucoup pour cette interview. [/b]
MA : Merci (en français).
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Amrith Zêta on 15 Mai 2009 14:51, edited 1 time in total.