par Yoan sur 12 Sep 2008 0:14
Je vote la très grosse baffe.
Je connais les quelques très rares réserves qui ont été émises à l'encontre du film, et je ne les partage pas. En un sens, elles ne changent jamais : on a reproché à "Ratatouille" d'être un peu mièvre et moraliste, et on retrouve sans surprise ces quelques reproches ici : ça sent la fable écologiste simpliste et faiblarde selon certains, mais pour en rester à ça, faut être sacrément passé à côté du film. Si on veut un film politique, il existe d'excellents documentaires, mais merde, pas là.
Ce qui différencie un film pour enfants intelligent d'un métrage niaiseux et bidon, ce n'est pas tant la nature du message, c'est sa force d'impact émotionnel, c'est la sincérité dans l'expression, c'est sa beauté formelle, sa cohérence esthétique et scénaristique etc. Bien évidemment, Wall-E vante des bons sentiments naïfs qui auraient pu s'avérer nauséeux s'ils avaient été mal traités, mais Pixar fait un sans faute sur ce point. Il vise le cœur et il l'atteint à chaque fois avec un talent qui dépasse l'entendement. Et sûrement fallait-il d'ailleurs garder une grosse dose de naïveté pour atteindre un tel niveau de pureté. L'erreur aurait justement été de tomber dans l'intellectualisation forcée, et faire un hors-sujet complet. Wall-E a quelque chose de physique, de viscéral, et c'est sur ce terrain qu'il faut le prendre.
Mais ce qui fait clairement la différence cette fois-ci, jusqu'à en faire leur toute meilleure production à mon sens, c'est que plus que jamais, l'esthétique est au service de l'œuvre. Ce n'est pas un hasard si les dialogues sont à ce point rares : toutes les images parlent. Sans en faire trop, Pixar nous émerveille avec 3 fois rien. On s'attendrit de détails sans arrêt, comme aux plus belles heures du cinéma muet. Ce n'est pas réellement neuf chez Pixar, mais c'est particulièrement sensible cette fois-ci.
Le point d'orgue de tout ça, c'est ce petit robot d'un charisme incroyable, qui écrase littéralement l'écran. Je suis sûrement une victime facile, mais pour être parvenu à créer ce petit tas de ferraille qui fait me nouer la gorge à chaque fois qu'il prononce "Wall-E", "Eve" ou n'importe quelle autre onomatopée, il fallait y mettre les tripes. Et c'est précisément ce qui hisse Pixar très au dessus de ses concurrents directs : ils n'ont jamais besoin de forcer le trait, ils captent l'essence de l'émotion, sa Vérité, et l'expriment de façon primale.
J'aurais pu formuler l'ombre d'un reproche si ces êtres humains moches et inesthétiques ne trouvaient aucune justification scénaristique, mais ce n'est clairement pas le cas.
Alors bon, que dire ?
Époustouflant.
[quote="Amrith"]Et j'en profite pour citer Hayo Miyazaki il y a quelques jours au Festival de Venise :
[b]"Je pense que l'animation est quelque chose qui nécessite le crayon, que le dessin a besoin de la main humaine, et c'est la raison pour laquelle mon dernier film est tel qu'il est. Aussi longtemps que je pourrai, j'utiliserai mon crayon."[/b][/quote]
Sur ce point, ne pouvant que constater en effet que les longs métrages en images de synthèse ont entamé de mettre à la porte l'animation traditionnelle, en la marginalisant progressivement, je veux bien te suivre Amrith pour le déplorer. J'ai eu la naïveté de penser que ces deux techniques d'animation ne se cannibaliseraient pas, mais je dois me rendre à l'évidence : ça n'en a pas pris le chemin, et c'est bien "le crayon" qui est aujourd'hui en danger. Là dessus nous sommes d'accord.
Cela dit, est-ce que cette volonté de militer contre l'envahisseur ne t'a pas poussé à être sévère plus que de raison avec Pixar ?
Tu as conspué "Les Indestructibles" pour des raisons esthétiques et techniques, ignorant tout ce qu'il pouvait contenir d'autre. J'ai toujours lu tes remarques à son encontre en ce sens, en tout cas.
La seule vraie semi-déception des studios Pixar demeure à mon sens un "Cars" gentillet mais sans éclat, qui ne mérite cependant pas non plus d'être abattu par la critique.
J'ai été retourné par "Wall-E", pour des raisons que tu résumes très bien, mais avec un tant soit peu de raison, ça ne pouvait pas constituer une réelle surprise. On les en savait capables, au contraire de Dreamworks.
[quote="Sullivan"]Comment ces gens font-ils tous ces bébés ? :-)[/quote]
Je crois deviner derrière cette question un vague second degré, donc je ne m'en tiendrai pour la forme qu'à signaler que bien évidemment, l'on peut supposer que pour un futur aussi lointain et volontairement caricatural, la technique permet d'assurer un mode de reproduction totalement artificiel. Ce n'est pas plus invraisemblable que de voir deux robots tomber amoureux. Ça l'est même infiniment moins.
Quant à la survie d'une plante en milieu hermétique, on peut s'amuser à supposer que le robot en question a été étudié pour accueillir des végétaux tout en conservant leurs tissus... Mais bon sang, on devrait surtout s'en foutre.
Globalement, je trouve tes critiques à l'encontre de Wall-E... Disons glaciales.
J'ai l'impression que tu analyses ça comme un documentaire, de façon frontale et pragmatique. C'en est réfrigérant.
Tout n'a pas toujours pour vocation d'être à 100% probable et réaliste.
La minutie du détail existe dans Wall-E, mais j'ai l'impression que ce n'est pas celle que tu voulais voir.
[b]"Playing things too safe is the most popular way to fail". (Elliott Smith)[/b]