Ayé, j'ai vu le film... Et quel film... Je crois que je suis dans le même cas que Sabaha_K, ce film m'a claqué tellement fort que je n'en trouve plus les mots, je ne sais par où commencer, par où continuer, ce film est tellement... étrange, surprenant, inventif, complet, dense. L'idée à la base du film est une excellente idée comme on aimerait en avoir tous les jours au réveil (idée signée du réalisateur, Michel Gondry, comme me l'a appris torrance), Kaufman brode par dessus un film tortueux à la narration échevelée, Jim Carrey, Kate Winslet et les autres se donnent à fond dans leurs rôles respectifs (*magie* du coupe anti-nomique Carrey/Winslet), et Gondry filme le tout de manière magistrale. Sans oublier la bande-son, ensorcelante... Gondry et Kaufman examinent le couple, la durabilité hypothétique d'une relation, la possibilité pour deux êtres que tout opposent de former un couple stable, l'usure du temps, la rupture et ses conséquences... A travers les souvenirs labyrinthiques de Joel, Kaufman examine ces différents aspects et les différents stades d'une relation dans un chaos chronologique apparent mais en fait selon une terrible logique sentimentale. Ce qui me ferait presque penser au récent "5x2" d'Ozon d'ailleurs, mais de manière tellement plus créatrice, inspirée et talentueuse... Et Carrey est si crédible dans le rôle de cet homme intraverti et timide, détruit par sa rupture et qui cherche ensuite par tous les moyens à sauver ce qui fait 'le rayon de soleil' de sa vie. Et qu'elle est cruellement intriguante cette idée de la petite amie qui décide du jour au lendemain d'effacer les souvenirs de son ex sans lui en expliquer la raison, de l'annihiler complètement de son existence, sans possibilité de retour... Peut-on imaginer pire crime, pire torture que le mépris exprimé par l'être aimé à travers l'oubli pur et simple ? Et Joel de se venger de pareille façon, avant de très vite s'apercevoir que sa relation avec Clémentine était aussi constituée de merveilleux moments, qu'il avait trop vite occultés au profit des moments négatifs, moments d'intense bonheur et de sérénité qu'il voit impuissant s'échapper de son esprit et se vider inéxorablement dans la cuvette de l'oubli... Terrible !! Et la revoilà la Clémentine, aussi enjouée et sauvage qu'autrefois, la revoilà la Clémentine des beaux jours, celle que Joel voudrait bien garder à jamais en sa mémoire, la voilà, elle-aussi, qui disparaît en même temps que toutes les scènes du monde intérieur de Joel... Terrible !!
Je trouve passionnant de suivre, de film en film, le développement de l'oeuvre de Charlie Kaufman. Car, si ses films se ressemblent (scénario de fou mêlant réalité et surréalité, rêve, fiction, fantasme), ils évoluent subtilement, et creusent toujours un peu plus profond en l'esprit humain. "Dans la Peau de John Malkovitch" se situait carrément à l'intérieur d'un cerveau, pourtant, "Adaptation", et plus encore "Confessions of a Dangerous Mind" et "Sunshine of a Spotless Mind" (héhé la filiation commune des deux titres...) montrent l'ambition d'examiner, sans embage et sans prétention aucune, avec humour et humanité, la psychologie de ses protagonistes, leurs états d'âme, leur rapport à la vie, le lien que la petite enfance entretient avec l'homme qu'ils sont devenus, l'importance qu'une femme, que la femme dont ils tombent amoureux peut revêtir dans le développement de leur personnalité, leur rapport conflictuel avec la réalité, l'enfermement qu'ils s'imposent dans une bulle, une réalité subjective dont eux-mêmes ne savent plus trop bien quelles en sont les limites 'objectives'... Je trouve passionnant cette filiation entre Chuck Barris ("Confessions"), Joel Barrish (ouh les deux patronymes qui se ressemblent) et... Charlie Kaufman, propre héros de "Adaptation". Je trouve passionnant d'assister à leurs débats et ébats face à leur propre créativité dysfonctionnelle (l'écriture dans "Adaptation", la télévision et le ciné dans "Confessions", et, plus subtile, la mise en scène intérieure que sont les souvenirs dans "Sunshine"). "Malkovitch" et "Sunshine" sont les deux films qui entrent le plus directement à l'intérieur de l'esprit, mais les quatre films entretiennent des rapports étroits qui mériteraient qu'on s'y attarde. Enfin bref.
Pour en revenir à "Sunshine". Je trouve notamment excellente l'idée scénaristique qui consiste à mettre en parallèle les souvenirs de Joel et les aventures tragico-comiques des deux techniciens de Lacuna Inc. (Elijah Wood et Mark Ruffalo, excellents malgré la modestie de leurs rôles), ainsi que la relation entre le boss de Lacuna (Tom Wilkinson, idem) et Kirsten Dunst, particulièrement touchante dans ce rôle qui se révèle en fin de film d'une petite sauvage qui voit son univers tout à coup ébranlé... et plus encore, excellente est l'idée de tisser des liens entre ces 6 personnages, qui sont tous reliés les uns aux autres de manière plus ou moins obscure mais qui ont en commun la relation amoureuse qu'ils vivent et le lien que celle-ci entretient avec Lacuna.
Il y a tellement à dire sur ce film dense, profond, et si authentique, sincère, écrit par un gars qui manifestement sait de quoi il cause et n'a pas son pareil pour métaphoriser les angoisses de l'existence ! Cela ne m'étonnerait que pas beaucoup se retrouvent en Joel, si proche de nous, au contraire peut être d'un Chuck Barris que Kaufman avait tellement enfermé dans son mythomonde qu'il semblait un personnage de songe, un fantasme trop allégorique et distant pour nous toucher (mais "Confessions" était avant tout une comédie après tout) ! Mais Joel au contraire est un être humain criant de vérité, et l'aventure qu'il traverse peut si facilement nous parler ! Certaines des scènes de ce film me resteront longtemps, comme de voir Joel et Clémentine courir ensemble, main dans la main, à travers le monde fantasmagorique en destruction tel un chateau de carte de Joel, pour échapper à l'oubli ! M'était déjà restée de "Confession" cette scène qui voyait Chuck sur un plateau de cinéma, face aux décors de carton-pâte mimiquant une vie qu'il croit être sienne, comme cette gigantesque toile où il reconnaît sa mère ! Où le héros voit son univers intérieur soudainement démonté, rangé avec les accessoires, ou tombant en morceau, disparaissent subitement, implosant ! Qu'il y aurait à dire sur de pareilles scènes !!
Il est rare que j'apprécie les romances, tant elles sont souvent mielleuses, convenues, plan-plan. Mais "Sunshine" ne pourraient en être plus éloignés ! Voilà comment les sentiments, les doutes, l'amour peuvent être retranscris au cinéma, voilà comment le thème éternel du couple peut être abordé, avec intelligence, sensibilité, de manière si réaliste et lucide et pourtant si outrageusement foutraque ! Voilà d'ailleurs le lien à établir avec un film comme "Big Fish", qui lui-aussi usait des pouvoirs de l'imagination, de l'esprit, du rêve, qui utilisait la métaphorisation pour traiter du rapport d'un individu à la vie, à notre monde, aux autres, à sa belle ou à son fils. Curieusement j'ai aussi pensé à "Lost in Translation", et pas seuleument à cause de la réalisation. Peut être parce que les deux films traitent, à leur manière, d'un homme et d'une femme que tout opposent, qui se trouvent, se perdent et se retrouvent au gré d'une rêverie à travers un monde quasi-irréel.
Je m'aperçois que finalement, j'ai pas mal parlé du film, et pourtant, j'ai le sentiment de n'avoir qu'effleuré la surface de cette oeuvre splendide ! A mon sens, chaque scène du film revêt son importance, chaque regard, chaque dialogue, chaque pose est pertinente, et tout ceci d'être emporté par le tourbillon d'un scénario constamment inventif qui nous traîne et nous entraîne au gré d'une folle course-poursuite à travers la psychée de Joel, qui ralentit parfois le rythme, le temps de laisser les personnages se souvenir, revivre leur passé, faire face à l'autre et peut être surtout à eux-mêmes. Et après tout, tout ce périple n'est-il pas le soliloque fou de Joel avec sa conscience, puisque Constantine elle-même est une recréation de son esprit ? Tout ce film n'est-il pas le prétexte pour qu'un homme se retrouve enfin face à lui-même, sa vie, ses choix, ses erreurs, ses faiblesses, sa médiocrité, seulement transcendée par le souvenir evanescent et diminuant de la femme salvatrice perdue à tout jamais ?
Gondry (quelle réa splendide), Kaufman, mais aussi Bismuth (a participé à l'écriture), Jon Brion (il signe un des meilleurs scores que j'ai entendus depuis... "Lost in Translation" ?
), Ellen Kuras (chef op', faut dire la photographie est splendide), Valdis Oskarsdottir (monteur, idem !), et bien sûr Jim Carrey (meilleur encore que dans "The Truman Show" et "Man on the Moon"), Kate Winslet (que je n'avais jamais vu aussi naturelle, radieuse mais aussi torturée), Ruffalo, Wood, Wilkinson, Kirsten Dunst (une grande actrice in the making), tous méritent une standing ovation ! Et une pluie d'oscars ! Soyons fous !
'tain il est 2h du mat' et j'avais juré de me coucher tôt aujourd'hui, je suis vanné. Mais vous m'avez fait m'épancher sur ce merveilleux film, et maintenant voilà ! C'est malin !
Si quelqu'un m'a compris c'est que je n'ai pas été clair.