[quote="Tsmètaï"]Si je peux faire une petite remarque (qui n'a pas de rapport avec Mcinema)... Je dirais que la critique (dans son sens général, pas seulement au cinéma) subit des influences ; que ce soit dans la presse, sur papier glacé ou dans de simples rubriques sensées présenter un soit-disant "avis neutre", figeant un modèle dans l'esprit de son lecteur, j'avoue que j'ai du mal à considérer le film/l'oeuvre/la personne pour ce qu'il/elle est, mais pour ce qu'on cherche à me faire croire qu'il/elle est.
Ç'en devient lassant même ; on s'habitue à entendre l'avis d'un tel, qui bien sûr parle en son nom, et qui sait tant de choses qu'il peut LUI, juger de telle ou telle chose et influencer notre mode de pensée de sorte qu'on finisse par se dire : "si lui dit que ce film est une "daube céleste", un "bide intergalactique", c'est forcément que c'en est un! Donc finalement, je n'irai pas voir ce film!" Et voilà comment des cinéastes finissent par être oubliés pour une baisse de régime mal interprêtée.
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Comme Guigui je suis plutôt d'accord. Encore faut-il voir à quel type de critique on s'adresse...
Quand tu parles d'influences, de quoi est-il question ?
Il n'y a pas de critiques sans idéologie esthétique, c'est à dire sans système de pensée par rapport à l'art cinématographique.
En France la critique cinématographique est née avec le discours d'accompagnement de l'art, soit la réflexion esthétique.
Afin d'analyser la critique, il faut revenir aux textes fondateurs, ceux de Jean Epstein, ou de Louis Delluc, qui étaient à la fois des cinéastes du muet, mais aussi des critiques, et de sacrés penseurs.
Epstein est par exemple le premier a avoir réellement défini la problématique de l'ontologie de l'image cinématographique : l'idée selon laquelle la puissance de l'art cinématographique réside en tout premier lieu sur son support: l'émulsion de la pellicule "enregistre" un état donné de la réalité, et l'immortalise.
C'était déjà le sens des critiques qui ont découvert le cinéma à son invention.
Ensuite viennent les points de vue moraux sur la constitution des plans, le montage, qui est l'arc central du langage cinématographique (tel que définis par Eisenstein et Griffith), l'éclairage, etc...
L'Histoire du cinéma a rattrappé celle de tous les arts en à peine plus de 50 ans.
Alors que la littérature devenait auto-reflexive dès le XIXème, le cinéma l'est devenu dès le début des années 1950 avec notamment la révolution apportée par le néoréalisme italien, et le choix du plan raté par Rosselinni afin de créer un recul de type brechtien.
En France la guerre critique s'est surtout joué entre les journaux "Positif" et "Les Cahiers du Cinéma". Ca continue d'ailleurs plus ou moins. Positif restant à mon sens le journal le plus pertinent (il se permet de critiquer... la critique !
).
Mais dans les deux cas, les critiques sont imprégnés de l'histoire du cinéma. Ils le connaissent depuis ses débuts, et sont capables de disserter sur le muet comme sur le dernier blockbuster. Tout simplement parce qu'ils savent qu'aujourd'hui encore des cinéastes se réfèrent au muet, et au langage de l'image, le seul valide en matière cinématographique...
Inutile de se scandaliser sur l'importance qu'ont accordé "Les Cahiers" et "Positif" à un film comme "Mission Impossible", car ils analysent avant tout chez Brian De Palma cette profession de foi en l'image, sa croyance totale en elle, son besoin profond d'en explorer les arcanes expressives.
Je dirais que le problème de la critique est généralement d'ordre culturel, historique, et surtout théorique. Certaines vont insulter Jean-Luc Godard parce qu'il filme longuement le bruissement de l'eau sous l'action du vent. Pour moi, ces types ne savent pas de quoi ils parlent, car Godard filme justement l'ontologie du réel, et que son plan est à pleurer.
Parfois les mêmes ne se rendent pas compte que Morretti filme de la même façon !
Et les enjeux se compliquent quand on sait que Godard hait Spielberg qui pourtant défend la même idée de l'ontologie du réel, en désaccord total avec son élève Zemeckis !
C'est pourquoi, Tsmètaï, l'enjeu est terriblement complexe. Le critique doit être à la fois un historien, un théoricien, et, au bout du compte... un critique. La passion ne suffit pas si elle n'est pas suivie d'un dévouement total à l'art adoré, ce qui exige qu'on regarde quasiment tous les films, et qu'on connaisse toutes les théories impliquées. En plus, si un critique veut être au niveau d'un Epstein, il se doit d'avoir un art d'écrire digne de l'écrivain !
D'un point de vue général, la critique journalistique est bien en dessous du niveau de connaissance exigé.
Mis à part les deux journaux spécialisés dont j'ai parlé.
En ce qui concerne notre référence dans le site, Mcinéma, je suis plutôt heureux de voir que leurs critiques écrasent largement celles des mensuels gratuits qui sont les pires, et assument fièrement leur statut critique du net. J'ai lu un jour un artcicle d'un type qui se plaignaient des critiques internet: "ils sont de plus en plus nombreux...", disait-il, en substance. Or, ce crétin affadi dirigeait un hebdo gratuit où les critiques étaient aux "je", et prétendait à une provocation de ton totalement falsifiée.
Je préfère torrance, dont je sais qu'il a une connaissance aigue du cinéma (bien que j'ignore l'étendue de ses références, mais je sais qu'elles sont nombreuses), et qui plus est est un sacré écrivain, ou son pote Hugo, voire même Camille que j'ai pris en défaut !
Le meilleur moyen de contrer la critique et de l'utiliser comme source d'interactivité est d'essayer de tout connaître du cinéma et de son histoire. De connaître l'apport d'un Buster Keaton et les inventions du burlesque, de connaître la découverte du montage sous forme de choc de plans dans l'Union Soviétique des années 1920, de voir comment dans les années de la première guerre mondiale des artistes comme Griffith codifiaient les plans simultanés et alternés, ou comment l'Ecole française (Gance, Eipstein, Delluc) définissaient la symphonie visuelle. Etudier comment le néoréalisme s'est érigé contre la mise en scène hollywoodienne en empruntant à l'approche documentaire (ce qui permet de voir un cinéaste contemporain comme Ken Loach de manière très différente)... Etudier le rapport à l'image asiatique chez un Ozu, ce qui permet de mieux comprendre un Wenders...
Quand une critique est bien argumentée, et qu'on est en désaccord, c'est souvent là qu'on apprend le plus de choses, car on doit trouver des contre-arguments qui dépassent le niveau basique d'intérêt pour un film. Car on est alors dans l'ordre de l'enjeux moral. Et c'est très édifiant.
Perso, je remercie les critiques qui m'ont contrarié et qui m'ont obligé à trouver des raisons valables de défendre un point de vue !
Il faut appréhender le cinéma dans sa globalité: c'est long, ça demande du travail (et du plaisir), mais après, tu peux lire la critique et définir quelle type de pensée la sous-tend, ou ne la sous-tend pas, tant comme tu le dis la mode affecte énormément l'approche esthétique pure.
L'agent Squeulit pensait qu'il s'agissait en fait d'une pierre de forme triangulaire