J'ai peur que ce débat sur la constitution ne soit "trollée" par des considérations autres, et plus hexagonales, notament sur l'abstention ou le droit ou le devoir de vote. Il existe déjà le topic "Je n'aime pas les hommes politiques "qui en parle. Pour toutes ces considérations, ouvrir un topic "voter ou ne pas voter, telle est la question" :wink: ne me semble pas trop crétin...
Ceci dit, les réflexions que vous avez eu, notament Aneth, ouvrent la voie à une lecture de la constitution précisément sur le thème de la "négation" de la parole citoyenne qu'elle institue. Je commenterai donc le texte (désolé): que l'on soit pour ou contre l'acte de voter, il y a des régressions révoltantes qui risquent d'entériner jusqu'à la portion congrue l'effet du vote.
[quote]Une chose est claire pour moi : le 29 Mai, je ne m'abstiendrai pas. Après ça, j'avoue que je ne sais pas encore. Si le oui l'emporte, c'est clair que je jetterai l'éponge. Mais si le non l'emporte, tout dépendra de comment les medias réécriront ce "non", et comment les choses évolueront…
[/quote]
Je comprends assez bien ce désarroi, mais comme tu le dis toi-même, il n'y a pas que l'UMP et le P.S. (divisé, d'ailleurs) en France.
Je te dirais simplement, sincèrement, comme je l'ai dit à Zara, que s'il y a des raisons de voter, c'est bien le 29 mai.
Ce vote n'engage pas seulement la France, comme on veut nous le faire croire en la stygmatisant de mouton noir, mais l'avenir de l'Europe pour 50 ans, et sans doute plus, puisque le traité est difficilement révisable.
N'oublions pas que les Pays-Bas voteront aussi par référendum, et que là-bas aussi les tenants du "oui" ont affaire à de fortes oppositions.
[quote]J'ai très envie d'aller voter alors que cela fait de longues années que je ne l'ai pas fait. (Je me demande si la dernière fois, ce n'était pas Maastricht ?) Ce TCE me fait peur : mais qu'est-ce que ça veut dire ? Que finalement, nos Institutions me convenaient et que je suis prête à aller les défendre selon une modalité à laquelle je croyais ne plus croire ?? Dire que la "souveraineté populaire" n'existe plus dans les faits et entériner qu'elle n'a plus lieu d'être, ce sont choses différentes... je me sens vraiment débile, pour le coup. J'admire Amrith de ne pas se laisser destabiliser et je m'en veux d'être loin de son niveau de réflexion.
[/quote]
Ravi de te retrouver, Aneth :wink:. Je ne pense pas que tu ais un niveau de réflexion ou d'intégrité inférieur ou meilleur que celui de n'importe quel autre participant ici. Nous essayons tous de décortiquer ce traité, certains le défendent, d'autres le combattent (c'est mon cas). Je voudrais simplement signaler que nous ne votons pas ici pour un parti (quand bien-même les partis français prennent position) ou une personne. Nous votons pour une [b]constitution qui va poser les bases de la représentation politique en Europe et surtout imposer un système économique unique.[/b]
Ce que tu as écrit m'a incité à aller fouiller précisément dans ce qui concerne le rapport de force entre le pouvoir politique et le pouvoir économique de la future Europe si le "oui" l'emporte. Il en résulte que le droit de vote aura un impact encore plus diminuée. Autrement dit, cette Europe là frappe le dernier coup de massue sur le droit d'expression des citoyens.
Comme d'hab, je m'en réfère au texte pour expliquer ce point de vue.
Je sais que ça peut paraîte rébarbatif, mais il me semble que ce soit la seule manière d'être précis. :wink:
[u][b]La Commission vs le Parlement:[/b][/u]
Le traité constitutionnel donne un pouvoir exhorbitant à la Commission Européenne (non élue, non représentative, et constituée de la technocratie cooptée habituelle) contre le Parlement Européen (représentation élue sur le mode du suffrage universel).
[b]Article I-26-1:[/b]:
" La commission promeut l'intérêt général de l'Union et prend les intiatives appropriées à cette fin". Donc ce n'est pas le parlement, ni par conséquence, nous...
" [...] Elle exécute le budget et gère les programmes. Elle exerce des fonctions de coordination, d'exécution et de gestion conformément aux conditions prévues par la Constitution [...] " .
Autrement dit, elle s'affaire à exécuter les tâches courantes, et donner les grandes orientations économiques et politiques, en "gérant" l'Union.
Elle en assure donc de facto le gouvernement, d'autant plus qu'elle contrôle le budget européen !
Mais l'alinéa suivant enfonce pire encore le clou.
[b]Article I-26-2:[/b]
" Un acte législatif de l'Union ne peut être adoptée que sur proposition de la Commission, sauf dans les cas où la constitution en dispose autrement. Les autres actes sont adoptés sur proposition de la Commission lorsque la Constitution le prévoit". :shock:
Les lois sont proposées par la Commission en primauté, et non par le Parlement. Or, celui-ci, en tant qu'émanation du vote des électeurs européens et représentation populaire, devrait être le seul agréé à légiférer !
Logique constitutionnelle: le parlement élu par le peuple ne peut pas faire de propositions de loi (à part dans certains dispositifs d'exceptions). La Commission, élue par personne, si !
Mais alors, qui sont ces gens qui constituent la commission et légifèrent ?
[b]Article I-26-4[/b]:
"Les membres de la Commission sont choisis en raison de leur compétence générale et de leur engagement européen et parmi des personnalités offrant toute garantie d'indépendance".
Le foutage de gueule n'est même pas maquillé. Comment une personnalité peut-elle offrir à elle seule une garantie d'indépendance ? La commission est bourrée de lobbies et impregnée de libéralisme à outrance.
De plus, si les "critères" de sélections sont édictées, reste une question: qui les choisit ? Réponse: le président de la commission ( [b]article I-27-3[/b] ).
Certes, on me rétorquera que le président de la Commission est choisi par le parlement, pour 5 ans. Mais désigner un président ne suffit pas pour orienter une politique. Il faut pour cela légiférer.
Or les 750 députés européens ont dans le texte une marge de manoeuvre excessivement étroite. Ils exercent "des fonctions de contrôle politiques et consultatives" ( [b]article I-20-1[/b] ). Il y a un véritable progrès, mais d'autres dispositions permettent à la Commission de lui barrer la route s'il s'avisait de faire du grabuge. Ce qui démontre bien la schizophrénie de cette constitution où la démocratie est soumise au bon vouloir de la Commision.
[b]Article III-332:[/b]
"Le Parlement eurpopéen peut, à la majorité des membres qui le composent, demander à la Commission de soumettre toute proposition appropriée sur les questions qui lui paraissent nécessiter l'élaboration d'un acte de l'Union pour la mise en oeuvre de la Constitution. Si la Commission ne soumet pas de proposition, elle en communique les raisons au Parlement européen".
Si le Parlement veut avancer une proposition quelconque, il doit la soumettre à la Commission, qui l'étudie ou pas. Si la Commission décide de ne pas l'étudier, il lui suffit de s'expliquer au Parlement, qui doit se contenter d'écouter les raisons du refus.
Cette article donne à la Commission un véritable droit de blocage aux propositions émanant du suffrage universel. La législation lui appartient.
Notons au passage que cet article est dans la fameuse partie III que tous les tenants du "oui" exhortent à ne pas lire (dernier exemple en date, le France-Europe-Express de cette semaine).
[u][b]La foutaise de la démocratie particitative:[/b][/u]
[b]Partie I, titre VI[/b]: ce passage nous explique que l'Union est basée sur la "démocratie représentative" et "particitative". Encore une fois, les bonnes intentions affichées sont largement limitées par les articles précédents où en préalable il est dit que la Commission décide.
Florilège...
[b]Article I-46: Principe de la démocratie représentative[/b]
[b]2[/b]: "Les citoyens sont directement représentés au niveau de l'Union, au Parlement européen. Les Etats-membres sont représentés au Conseil européen par leurs chefs d'états [...]"
[b]3[/b]: "Tout citoyen a le droit de participer à la vie démocratique de l'Union [note de moi: encore heureux !]. Les décisions sont prises aussi ouvertement et aussi près que possibles des citoyens".
Comme nous l'avons vu, la Commission peut snober le Parlement. Ces articles sont donc quasiment caduques.
[b]Article I-47-: Principe de la démocratie particitative[/b]
[b]1[/b]: "Les institutions donnent, par les voies appropriées, aux citoyens et aux associations représentatives la possibilité de faire connaître et d' échanger publiquement leurs opinions dans tous les domaines d'action de l'Union "
Aucun article n'explique quels sont ces moyens appropriés et quels sont leurs modes de fonctionnement juridiques, dans ce cadre du débat citoyen. De plus, qui va décider qu'une association est "représentative" et assoir sa légitimité ? Non seulement cela est très flou, mais les fameuses associations peuvent avoir une activité de lobbying: le lobbie est donc de fait constitutionnalisé. Et les lobbies roulent généralement pour leurs intérêts particuliers, pas pour l'intérêt général.
[b]4[/b]: "Des citoyens de l'Union, au nombre d'un million au moins, ressortissants d'un nombre significatifs d'états membres, peuvent prendre l'initiative d'inviter la Commission, dans le cadre de ses attributions, à soumettre une proposition appropriée sur des questions pour lesquelles ces citoyens considèrent qu'un acte juridique de l'Union est nécessaire aux fins de l'application de la Constitution. [...] "
Yep ! Si un groupe d'européens décide de soumettre une proposition de loi à la commission, il suffit qu'il constitue un groupe d'un million de personnes. Mais il y a deux obstacles:
1) Le nombre d'états significatif n'est pas indiqué. Pour une constitution dont la partie III contient pléthore de détails techniques sur les modalités d'imposition du libéralisme, on peut se demander pourquoi cet article a un si soudain manque de rigueur...
Si la Commission décide que trop peu d'états sont représentés, elle peut rejeter la proposition et s'en frotter les mains. L'absence de chiffres institutionnalisant une base précise lui permet de choisir à sa guise le nombre d'états nécessaires.
2) Le terme de "proposition appropriée" renvoit directement à l' [b]article III-332[/b] qui permet à la Commission un droit de blocage. Parlement et citoyens sont donc logés à la même enseigne.
[u][b]Pour conclure (provisoirement):[/b][/u]
Voter "non" à la constitution en l'état est aussi une manière de sauver l'impact réel du vote européen, en censurant les pouvoirs calamiteux accordés à la Commission. C'est aux politiques de gouverner et non à l'économique (on en revient toujours au même): or la commission européenne, résolument libérale, se voit offert ici les moyens de bloquer tout débat. Et elle n'a aucune légitimité démocratique, hormis le choix de son président.
Le "non" remettrait en cause sa toute puissance, et il est tout à fait possible de penser à une rédaction constitutionnelle qui mettrait en avant les principes énoncés de démocratie représentative et particitatives sans que ces principes ne soient oblitérés par des postulats les soummettant à la commission.
L'Europe peut être un formidable laboratoire pour présenter une gouvernance alternative aux grandes puissances libérales. En cas de victoire du "non", 4 ans seront nécessaires à la réécriture: ce sera à ce moment que les citoyens devront être encore plus attentifs et mobilisés. :wink:
L'agent Squeulit pensait qu'il s'agissait en fait d'une pierre de forme triangulaire