par N°6 sur 04 Avr 2004 1:01
Mais si, je suis là, comme toujours, immobile sur le trottoir trempé d'un forum déserté en cette heure nocturne, à bord d'un navire abandonné de ses occupants, réfugiés à bord de leurs appartements, futiles embarquations qui ne les protégeront pas bien longtemps du monde extérieur, je suis le dernier occupant d'un vaisseau fantôme qui s'abîme sous les flots de l'océan céleste, d'un vaisseau pris dans la spirale infernale d'un maelström, se rapprochant inéxorablement du centre du tourbillon, me condamnant à être emporté à jamais. Je suis là, sur le pont, contemplant les embrunts, une main engoncée dans mon par-dessus ruisselant, l'autre tenant nonchalement une cigarette, ma dernière cigarette, qui se consumme lentement entre mes lèvres, la tête levée vers le ciel ruisselant, mes yeux suivant la lente ascension de la fumée qui s'élève sereinement dans les airs, imperméable au barrage céleste, nargant, célébrant, riant des pleurs divins. Je la savoure cette cigarette, tel un condamné qui s'abandonne une ultime fois à la volupté terrestre. Pas âme qui vive, la ville est abandonnée à des pleurs muets, le monde se noie sous les flots de l'océan de ténébre qui s'est percé au-dessus de nous, et je suis seul au centre de la fin du monde, tirant la dernière bouffée de ma cigarette, et apercevant une silhouette au loin, sur le trottoir d'en face. Ah, c'est Mad, toute ruisselante de pleurs qui se jettent et se perdent dans les flots furieux qui s'abattent sur sa frêle silhouette. Je m'approche ; elle tourne lentement la tête, lève les yeux et me regarde.
- 'All that we see or seem is but a dream within a dream', déclare t-elle, à moi ou à la ronde, comme si tout se résumait à cela. Je souris.
- 'T'aurais pas une clope par hasard ?'
- 'Once upon a midnight dreary, while I pondered weak and weary...'
Comprenant que je peux toujours l'attendre, ma réponse, je laisse Mad à ses rêveries et reprend mon chemin, sous la pluie battante, m'enfonçant et me perdant dans les méandres de la cité, laissant derrière moi la rue déserte et la dernière femme sur terre, embrassant l'inconnu et la solitude, en quête de rédemption, en quête d'une cigarette.
C'était N°6 en direct de la fin du monde, à qui, sans déconner, il ne reste plus qu'une seule cigarette. Pourquoi mon Dieu, pourquoiiiiiiii ??!
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N°6 on 04 Avr 2004 1:08, edited 2 times in total.
Si quelqu'un m'a compris c'est que je n'ai pas été clair.