par Sullivan sur 20 Avr 2007 18:32
Je m'interroge encore en cet instant quand à savoir si je fais bien de le faire, mais enfin je me lance.
Et notamment parce que la dernière partie répond assez au message posté à la fin de la page précédente de forum.
C'est extrait de mon blog - et oui, je cross-poste, et oui, c'est mâââl.
J'avais prévu pour cette semaine de poster un billet qui, après différents précédents expliquant tour à tour pourquoi Sarkozy et Bayrou m'apparaissaient respectivement dangeureux et stériles, se serais centré sur pourquoi, positivement, je voterai Ségolène. Le temps et la motivation pour m'attacher au PC et taper un texte assez long m'ont manqué. J'ai décidé que ce n'était pas grave mais seulement partie remise : je publierai cet article pendant la bataille pour le second tour.
Bien sûr, j'aurais l'air bien malin si, dimanche soir à 20 heures le visage de Ségolène ne s'affiche pas aux cotés de celui de Sarkozy.
J'en prends le risque. Avec confiance, même si je ne cache pas que j'en mènerai surement pas large à 19h30. Je ne peux pas croire -- peut-être, si j'étais pessimiste, devrais-je écrire 'je ne veux pas croire'? -- que les français puissent renoncer aussi facilement aux valeurs qui sont nôtres depuis longtemps. Parfois de manière chaotiques, parfois reniées, comme sous Pétain, mais toujours pour mieux revenir en force.
Je ne peux pas croire que les Français acceptent aussi facilement de détruire la gauche. Parce que, à un moment il faut dire la vérité, c'est de cela qu'il est question si Ségolène n'est pas au second tour dimanche soir : atominer la gauche, livrer la France à la droite seule sans même une opposition réelle pour une ou plus probablment deux décennies. On entend ça et là dire qu'une telle crise pourrait être l'acte salvatur qui recomposerait une nouvelle gauche. Déjà, je m'amuse que ce discours s'entendent autant du coté de ceux qui reprochent à la ligne actuelle d'être trop à droite, qu'à ceux qui lui reprochent d'être trop à gauche. Il n'y a pas meilleure preuve de son caractère mensonger. Surtout, j'avoue être franchement énervé que de telles conneries soient encore proférées si peu de temps après le référendum de 2005. A l'époque, on parlait aussi d'une crise salvatrice pour l'Europe. On ne résoud rien, on n'arrange rien par la crise. Au mieux, c'est le statut quo, au pire, la descente aux enfers.
Je ne peux pas croire que sur un vote démocratique, une majorité puisse s'élever pour renier notre héritage commun, celui d'un pays humaniste et progressiste qui se fait honneur d'essayer du maximum de ses forces de donner une chance à tous. Je ne suis pas subitement devenu naïf, aveugle et inconcient. Je sais que dans les faits, nous ne donnons pas leur chance à tous. Mais il y a une différence entre combattre cette réalité et l'accepter sans remords.
Car c'est bien de cela qu'il s'agit pour Sarkozy.
Une campagne électorale, c'est long, c'est difficile. C'est forcément révélateur, aussi. Au terme de cette campagne, Nicolas Sarkozy qui s'était fait fort jusque là de prétendre qu'il avait changé (entammer une campagne électorale en annonçant qu'on a changé, c'est déjà se poser comme un mentur, et tant lui que Bayrou l'ont fait) a finalement laissé sortir cette vérité intime sur lui-même et sa vision du monde. L'homosexualité, la pédophilie, le suicide des jeunes, c'est génétique, a-t-il dit.
Cet aveu, ce n'était pas vraiment une nouveauté. Rappellons qu'il y a peu, Sarkozy avait milité pour une détection de la délinquance à venir dès la maternelle. De même, il veut mettre les gens en prison, le plus tôt possible (la fin de l'exception de traitement pour les 16-17 ans, c'est dans son programme), le plus longtemps possible. Logique, puisque Sarkozy croit en un monde où le Bien et le Mal sont programmés à la naissance, et où on n'y peut rien.
Quel terrible abandon pour un homme politique ! On sait tous, qu'aujourd'hui, la marge de manoeuvre des politiques sur les sujets économiques s'est considérablement réduite, poids de la mondialisation et de l'Union Européenne obligent. Là où un politique a toute sa légitimité, là où il peut, aujourd'hui encore, "changer la vie", c'est justement sur ces questions là.
Que voulez-vous que Sarkozy entreprenne pour la prévention du suicide des jeunes puisque "on n'y peut rien, ma bonne dame, c'est génétique!" ? Bien sûr, ces propos ont été dénoncés, par ses adversaires mais aussi et surtout par la communauté scientifique où il ne s'est trouvé personne pour le dfendre. Sarko de répondre sur le thème de la pensée unique qui se dresserait contre sa courageuse libre pensée. Mais ni lui, ni ce gros con d'Allègre ne sont courageux quand ils professent benoîtement des contre-vérités scientifiques. Ils font juste montre d'une perspective limitée au niveau de la brève de comptoir. On a traité Ségolène de Bécassine ; à l'analyse des faits, on réalise le manque de pertinence de ces attaques fondées d'abord, avant-tout, et même uniquement sur le sexisme. J'en fais bondir quelques-uns, là, je le sais. Ce serait trop facile ? Non, c'est juste la réalité. Rien d'autre ne justifie qu'on ait commencé le fameux procès en incompétence, ni les interviews façon Questions pour un Champion où l'on lui faisait compter les sous-marins. Encore moins peut justifier les pages et les pages sur son échec à répondre à cette question, quand le même échec de Sarko quelques semaines plus tard, alors qu'il avait donc eu la possibilité de s'y préparer, fit au mieux un entrefilet page 36.
Je digresse et reviens à Sarkozy et son attitude soit-disant courageuse. Où est le courage dans le fait de baisser les bras ? Il répond aussi : "je ne veux pas laisser porter le poids de la responsabilité des suicides d'adolescents aux seuls parents".
Mais il n'y a que lui pour croire que le suicide des jeunes, c'est soit la génétique, soit des mauvais parents. Quelle illustration "formidable" de la politique qui est la sienne : celle du bouc-émissaire. Le suicide des jeunes en 2007, M. Sarkozy, ce n'est pas dans les gènes (on peut m'expliquer comment un tel gène ferait pour se transmettre et se développer de génération en génération, d'ailleurs ?), et ce n'est généralement pas non plus la faute des parents. La responsabilité va sur les épaules d'une société injuste, normative, qui exerce une pression impitoyable. Cette société que, non seulement vous refusez de remettre en cause, mais dont en plus vous souhaitez accentuer les travers et la violence sourde.
Cette petite phrase vient s'ajouter au Ministère de l'Immigration ET de l'Identité Nationale, au mépris affiché dans un discours pour l'Allemagne, à celui dit cette semaine pour l'Italie, etc. Cette petite phrase là, pourtant, porteuse d'un non avenir si glaçant, je ne la "pardonnerai" en aucune façon. Quelque soit l'adversaire de Sarkozy au second tour, je ne voterai pas pour lui. Il ne pourra y avoir aucun barrage, aucun vote utile. Dans la pire situation, il n'y aura rien que de l'affliction devant la confrontation des pires.
Sur la politique sécuritaire, on va me répondre : en face, la Ségolène que tu défends, elle ne fait pas dans la douceur non plus. Non, sans doute pas. J'ai un peu l'impression, je vous le confesse, que notre société a passé le cap de la douceur. J'ai un peu l'impression que, compte-tenu du temps qu'il va falloir pour réduire les ghettos, amoindrir les inégalités et les injustices, on ne pourra se contenter de l'angélisme d'ici là. Ce que j'espère surtout, c'est que ces gens-là, anti-Ségo de gauche pour des raisons qui, avouons-le, confinent souvent à l'absurde, sont encore capables de voir la différence immense d'intention derrière les deux politiques. Sarkozy veut enfermer en tôle pour mettre à l'écart de la société des "irrécupérables". Ségolène veut mettre la sanction à sa place dans l'apprentissage du Bien et du Mal. Pour les jeunes 'grands' délinquants, veut des dispositifs spécifiques d'encadrement fondés sur la discipline, non pour mettre hors-jeu, mais bien pour éduquer, dans tout ce que ce mot a de plus noble, et pour réintégrer ces jeunes à la société.
Je ne sais pas si la méthode marchera ou pas. D'aucuns pensent que non. Très bien. J'ai trouvé les contre-propositions pour le moins discrètes. Surtout, je salue l'humanisme viscéral de l'intention portée par Ségolène Royal.
Dans mes discussions avec des électeurs de Nicolas Sarkozy, un point est systématiquement revenu, et même, a quasi-systématiquement été mis en avant. Et, oui, j'ai eu récemment plein de discussions avec des électeurs de Nicolas Sarkozy et je vous remercie très fort de compatir à mon sort -- c'est une blague, je veux dire : ces conversations ont été passionantes et ont considérablement ancré mon positionnement d'origine.
Ce point, donc, c'est l'International. L'International avec différentes tendances : la construction européenne, la Graaaaandeur de la Fraaaance, la politique étrangère, mais toujours l'International. Je passe rapidement sur le fait que les doutes sur Ségolène Royal à ce niveaux doivent tout à la campagne éhontée aux relents machistes portés d'abord par ses "amis" adversaires socialistes, puis par l'éhontée séquence des pseudos-gaffes piteusement relayée par une presse qui s'est rarement aussi rabaissée au niveau du caniveau. Et j'en viens à mon point.
Nicolas Sarkozy est très mal placé pour représenter la France et mner une bonne politique internationale. Et en voici deux raisons (auquel je ne vous ferai même pas l'affront d'ajouter la troisième, celle de son Bushisme bien connu) :
- La violence qui caractérise Sarkozy a bien des niveaux, celle qui le conduit à menacer de virer une fois élus les dirigeants de France 3 parce qu'il n'est pas satisfait de sa loge de France Europe Express, celle décrite par Azouz Begag, son opposant ces dernières années au sein même du gouvernement, cette violence s'exprime aussi en direction de nos partenaires. Que dire de son discours de Nice qui renvoit l'Allemagne a un statut de pays honteux, qui ne doit que rougir de son passé, quand l'Allemagne est notre principal partenaire. Quand, surtout, elle a réalisé un travail exemplaire de retour sur son histoire que la France n'a jamais qu'effleuré. Que dire du mépris dédaigneux rapporté dans Le Monde cette semaine quand il explique que "La France, ce n'est pas l'Italie" ? Comment croire qu'une tel homme peut construire des relations apaisées avec des pays étrangers quand ainsi il les malmène? Et quand il n'est capable de contruire une relation apaisée avec personne, ses fidèles pouvant se faire bazarder au moindre coup de sang provoqué par une bourde réelle ou supposée?
- Surtout, le référendum sur le Traité Constitutionnel Européen a démontré une réalité évidente, mais qui reste pourtant souvent non dite. Un pays en crise tel que le nôtre n'est tout simplement pas capable de s'ouvrir vers l'extérieur. La droite, celle de Sarkozy au gouvernement, est responsable du coup le plus fort qui ait été porté au rayonnement international de la France depuis un demi-siècle. Le rôle moteur dans la construction Européenne, l'ambition internationale de la France ne pourront se (re)construire que sur un préalable incontournable : le retour à un certain état de paix intérieure.
Sans le moindre doute, notamment pour les questions institutionelles et sociales que j'ai déjà évoquées, mais aussi pour les questions économiques, malgré les lacunes du pacte sur ce point, je constate que Ségolène Royal est la mieux placée s'attaquer à ce défi. Mais tout cela, je vous l'expliquerai dans un autre billet, plus positif et constructif, celui dont je vous parlais plus haut.
Je conclus ici pour aujourd'hui, en m'amusant quand même de ce que j'ai commencé à taper ce billet avec l'intention de faire cinq lignes. Je suis incorrigible !
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